Publié par Yagg   |   Dans Communauté   |   367 vues

Le jour où tu réalises que t’es homo et qu’en plus t’es un vrai panier à cliché (ou que tu veux te la jouer confort pour les 40 ans de vie professionnelle qui s’étalent devant toi), y’a toutes sortes de professions qui te semblent adaptées.

Le jour où tu tombes sur un défilé de Jean Paul Gaultier au treize heures de TF1, ton choix est fait: tu seras marin! Le grand air, les beaux jeunes hommes en tricot rayé, les plages tropicales et les corps bronzés: tout ça pour toi, tous frais payés!

Ta mère pleurerait bien mais elle le cache, ton père est fier, juste comme il faut pour qu’il encaisse le jour où tu lui présenteras Paulo, ton boyfriend un peu barge qui a des piercings plein la figure.

Et là, t’embrasses la carrière, et Paulo une dernière fois, parce que t’es pas prêt de le revoir avant un bon bout de temps. La mer, c’est comme ça, c’est une amante un peu égoïste.

Alors, quel que fut ton choix, autant te le dire: la déconvenue risque d’être au rendez-vous. Précisons que tous les homomarins ne sont pas égaux devant leur fier bâtiment. Il y a les pécheurs, qui dorment avec leurs bottes et ça c’est pas sexy. Les militaires qui dorment par 25, alors là je te raconte pas l’odeur de chaussettes! Et puis les marchands qui, eux, sont 25 tout compris sur le bateau, et qui referment sur eux la porte de leur cabine, un couteau entre les dents, avec un regard qui signifie bien que celui qui viendra mater leurs pieds finira écharpé comme un lièvre blanc qui pointe son nez hors du terrier, au cinquième mois de l’hiver, quelque part en Sibérie.

Il te faudra pas trois jours de mer pour capter que de toute manière ici, le seul exutoire sexuel se trouve à la prochaine escale sous un toit de tôle ondulé en lisière de la jungle et que ça a beau être le plus grand bordel d’Amazonie, il n’abrite que des travailleuses! Quant à flirter à la sortie des douches, je te le recommande personnellement: mes collègues de bord, à quatre vingt-dix pour cent, venaient de pays où on bastonne les Prides quand elles existent. Autant te dire que l’ouverture était pas toujours de mise. T’as tout gagné: ton rafiot, c’est un placard géant!

Mais que veux-tu, de toute manière, Paulo t’attend, ou presque, et cela te permettra de rester fidèle sans effort! Ça fera pas de mal aux statistiques… Quoi? Je t’entends te plaindre: mais si voyons, c’est physiquement tenable. Je sais que la dernière fois que tu t’es retenu plus d’un mois ça doit remonter à avant que tu ne découvres les multiples usages de ta zigounette – et l’adresse du bar bear le plus proche –, mais d’un point de vue purement physiologique, ça marche!

De toute manière, la prochaine fois que tu croiseras Igor – le joyeux matelot qui à la fin d’une journée particulièrement chaude a abandonné ses oripeaux au vestiaire et traîne trente ans de bide-à-bière à travers les coursives, en slip-chaussettes, chaussé de ses merveilleuses sandales de piscine que tu pensais disparues depuis que les Birkenstock à boucle argentée ont fait leur entrée sur le marché; quand tu le croiseras et que tu n’auras pas le temps de détourner le regard, le souvenir du fort et sexy jeune homme que l’on parachutait au-dessus des montagnes dorées de l’Afghanistan quelques années plus tôt, ce gaillard pas mal mignon qu’il te montrait sur les photos de sa jeunesse; tout ça s’effacera et crois-moi, tu kifferas plus les mecs jusqu’à apercevoir les jetées de ton port de débarquement!

Bah, et en vrai, ce qui t’auras manqué le plus (à part Paulo parce que ce bâtard s’est trouvé un nouveau Jules après trois semaines de ton absence), c’est les petites nouvelles de la vie terrienne, et puis de pas pouvoir poster ton petit billet sur Yagg, histoire de partager avec la planète ton humeur quotidienne!

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